Bref. Suis tombée amoureuse de mon nouveau coiffeur.
J'supporte plus ma tronche, mes cheveux paillasses, ma mèche simuli frange qui s'échoue sur mon front comme une pâte à cul.
J'ai 32 ans. Je suis célibataire. Je vis dans une ville où le poisson court les rues mais où les pêcheresses sont redoutables.
Bref. Je dois aller chez le coiffeur.
Je prends rendez vous online. Le lendemain matin la coiffeuse me rappelle pour un état des lieux.
Alors l'humidité anglaise couleur climat anglais goût Tamise anglaise m'a poussé à répondre, en anglais :
"I wanna relax my hair. Just get rid of the frizzy look. I wanna make it smoother. You know."
Direction Covent Garden. By tube. Puis de là remonter Endell Street à la rencontre du Covent Garden Salon.
Je passe le seuil.
"I've an appointment at 3".
Au début, j'ai souri dans ma tête quand j'ai vu celui qui m'a dit "hi i'm (j'ai pas compris son nom) and i'm going to take care of you today". Sophistiqué décoloré slim bleu pétrole.
Puis je me suis dit que j'étais entre de bonnes mains lorsqu'il m'a dit qu'il adorait ma gouffa qu'il a chatouillé mes petits cheveux de nuque en disant "oh what lovely baby hair" et quand il est passé devant moi pour m'ouvrir la voie du bac à shampoing. Oui là j'ai compris pourquoi il portait un slim.
FInalement on a opté pour un lissage brésilien qui devait m'offrir une chevelure de star une chevelure de rêve pour le prix d'un bras. En deux heures et demi, top chrono.
Bref.
Top chrono.
Il me débrouille les cheveux me passe le produit qui pue.
Jusqu'ici tout va bien.
Vient le blow dry.
Je remarque qu'il est afro de loin
Je remarque sous ses grosses lunettes de nerd à la mode hipster
je remarque de jolies tâches de rousseur ci et là là et ci comme saupoudrées par le bon Dieu lui-même.
Je pose mes yeux sur son nez juste un peu épaté puis sur sa bouche ourlée que tous les médecins esthétiques devraient avoir dans leur tiroir ou sous la main, pour montrer ce que l'acide d'hyaluronique peut faire de mieux.
Puis je me regarde.
Je le regarde encore.
J'essaie de faire ma bouche en coeur pour donner à mon visage une inflexion plus angulaire de tête de chat. Je reste ridicule.
Je le regarde encore.
Puis je vois dans le miroir ma tronche rabougrie qui parait encore plus rabougrie avec les cheveux mouillés d'un côté et les cheveux lissés sous l'effet du blow dry de l'autre.
Bref j'ai aucune chance.
Il me voit dépitée et me propose de feuilleter un magazine.
Première page du Cosmopolitan que je pioche une connerie somehow existentielle du genre osez ne rêvez pas votre vie.
J'ai la pression.
Mais je me trouve déjà des excuses il parle anglais il doit être gay t'as vu ta tronche fânée des pépées il doit en voir passer tous les jours que Dieu fait il parle anglais il doit être gay parce qu'il a chantonné
Je continue de feuilleter mon magazine
Plus superficiel tu meurs romances sex performances.
Je tombe sur une page déco
J'ai envie de lui demander Do you like this living's decoration ? What are you doing tonight ?
Mais j'avale ma salive en lisant les tatouages qu'il a sur les bras.
Bref je rêve ma vie.
Je replonge dans Cosmopolitan page horoscope en espérant lire "you had a crush for your hairdresser, don't worry he's not gay, you're beautiful, go go go".
Pourtant je découvre
"Someone whose English is not very good is worth your time".
Je souris, je ris.
Il dit what's happening. Puis Done.
160 pounds.
J'ai perdu mes baby curly hair sans broncher
Bref. Je suis tombée amoureuse de mon nouveau coiffeur.